Le poulet bar-b-q
Sommaire
- Comfort food
- Introduction
- Origines françaises
- Au Québec
- St-Hubert Bar-B-Q : phénomène culturel
- Les principales rôtisseries québécoises
- Ailleurs au Canada
Comfort food
Il fait très froid, il fait tempête. On est au milieu de février, toujours confinés sans congé avant Pâques. J’ai pensé que j’allais vous parler un peu du comfort food québécois par excellence. Ce repas favori entre tous parmi tous les québécois, peu importe leurs origines ou leurs confessions. J’ai nommé : le repas de poulet bar-b-q. Comme il y a beaucoup de matière à couvrir et que cet historique rallongerait considérablement une publication de recette régulière, j’ai pensé écrire le billet ci-dessous qui se concentrera uniquement là-dessus. Je vous donnerai plus tard ma recette de poulet rôti dans la section recettes habituelle avec une partie historique abrégée et je lierai les deux publications entre elles pour que vous vous y retrouviez mieux.
Introduction
Le repas de poulet bar-b-q (aussi appelé poulet barbecue ou plus simplement poulet rôti) est un mets québécois populaire. Il est habituellement composé d’un quart de poulet rôti à la broche (cuisse ou demie poitrine [suprême sur os]), de frites, d’un petit pain grillé (le plus souvent le dessus ou le fond d’un petit pain à hamburger), de salade de chou (le plus souvent vinaigrée, mais parfois aussi crémeuse à l’américaine) et d’une sauce légèrement épicée, parfois piquante, de style espagnole (appelée familièrement « sauce barbecue ») utilisée en guise de trempette pour le poulet, les frites et le pain.
Origines françaises
Les viandes rôties, particulièrement les volailles et le gibier à plume, sont une ancienne tradition culinaire datant de l’antiquité, particulièrement chez les Gaulois qui étaient reconnus des auteurs romains et grecs pour leurs élevages familiaux. En France, à partir de l’époque médiévale, le poulet rôti, devenu symbole de luxe, car de moins en moins courant avec l’urbanisation, constitue le repas traditionnel du dimanche depuis environ le XIIe s. dans les familles aisées.
Au Québec
Avec la colonisation par la France de la vallée du Saint-Laurent aux XVIIe et XVIIIe s., le Québec moderne a hérité de nombre de traditions culinaires françaises de l’époque au nombre desquelles le poulet rôti fait partie. En conséquence, ce mets y constitue aussi le repas traditionnel du dimanche, contrairement au reste de l’Amérique du Nord qui lui a hérité de la tradition britannique du Sunday roast.
Pendant la majeure partie de l’histoire du Québec, avant l’avènement des restaurants au cours de la deuxième moitié du XIXe s., le rôtissage des viandes reste surtout une affaire de cuisine familiale et de grandes réceptions. En effet, selon Michel Lambert, la volaille domestique faisait l’objet d’un élevage nombreux dans les familles pour permettre l’abattage d’un poulet par semaine toute l’année (voir « Le poulet farci ou non, en rôtissoire » sur Les Québec cuisine). Phénomène surtout rural, ce ne serait qu’au cours du XXe s. avec l’arrivée des boucheries urbaines et des élevages industriels que le repas tel qu’on le connaît aujourd’hui se serait répandu à toutes les couches de la population.
Avec l’ouverture des premières rôtisseries dans les années 1930 à Montréal, le repas de poulet rôti sera également standardisé et comptera les éléments qu’on lui connaît aujourd’hui, nommément : la salade de choux, les frites, le petit pain et la sauce espagnole.
À partir des années 1960, le phénomène des rôtisseries prend de l’ampleur et gagne Lanaudière, puis la Mauricie avec l’ouverture de Joliette BBQ (futur Benny & Co) en 1960 et Fusey B.B.Q. à Cap-de-la-Madeleine en 1966.
St-Hubert Bar-B-Q : phénomène culturel
De loin la chaîne de restauration la plus populaire et la plus répandue au Québec, St-Hubert est également l’une des entreprises québécoises les plus importantes en nombre d’employés.
Depuis plusieurs décennies, elle est élevée au rang de phénomène de culture populaire au même titre que McDonald’s aux États-Unis.
On peut retracer l’origine de son incontestable popularité à deux événements distincts.
Le premier événement est télévisuel et date de 1954. Du 19 au 20 mars de cette année-là, Radio-Canada diffuse sur ses ondes le premier téléthon de la paralysie cérébrale. Au beau milieu de l’aventure, après la diffusion d’une publicité de la rôtisserie St-Hubert, l’animateur Jacques Normand fait directement appel au rôtisseur pour nourrir l’équipe sur le plateau de tournage qui était affamé. Étant la seule à offrir la livraison gratuite à l’époque, la rôtisserie s’exécute et une bonne partie du Québec regarde l’animateur manger son repas en direct devant eux. On sait que le Québec est l’un des endroits dans le monde où la télévision est le médium le plus populaire et où il exerce une très forte influence culturelle.
Le deuxième événement date de 1967. Cette année-là, la rôtisserie montréalaise obtient la concession d’un kiosque de restauration à l’Exposition universelle Terre des Hommes. Véritable événement fondateur du Québec moderne, l’Expo 67 est visitée par des milliers de Québécois de partout et qui ont pu goûter à la nourriture offerte au kiosque du rôtisseur. C’est à partir de ce moment que le statut de phénomène de culture populaire du repas de poulet rôti à la montréalaise, ainsi diffusé à toute la population québécoise, sera vraiment consolidé.
Les principales rôtisseries québécoises
Laurier BBQ
Laurier BBQ ouvre en 1936 (voir Les Affaires). Cet établissement est la première et la plus vieille rôtisserie de poulet du Québec en plus d’avoir longtemps été considérée la meilleure à Montréal (voir cet article de The Gazette). Après plusieurs changements administratifs, l’institution montréalaise a fermé définitivement en 2013.
Chalet Bar-B-Q
Ouvert en août 1944 et toujours en opération, Chalet Bar-B-Q est la deuxième plus vieille enseigne du genre au Québec. Cette entreprise est à l’origine de la chaîne anglo-canadienne Chalet suisse (Swiss Chalet). Elle est située dans Côte-des-Neiges, non loin des quartiers historiquement à très forte majorité anglophone.
St-Hubert Bar-B-Q
Plus grande chaîne de rôtisserie au Québec, St-Hubert Bar-B-Q ouvre son premier restaurant à Montréal en 1951 sur la rue du même nom. L’entreprise est fondée par René et Hélène Léger. De simple rôtisserie montréalaise parmi d’autres, St-Hubert est maintenant l’une des plus grandes entreprises québécoises. Depuis 2016, la chaîne appartient aux entreprises Cara (maintenant Recipe Unlimited), parente de sa plus grande compétitrice à l’extérieur du Québec : Swiss Chalet.
Côte St-Luc Bar-B-Q
Cette rôtisserie ouvre en 1953 et a toujours pignon sur rue à Dollard-des-Ormeaux. Elle se démarque de sa concurrence par la cuisson de sa volaille sur charbon de bois d’érable, alors que les autres établissements utilisent pour la plupart des rôtisseries électriques.
Benny & Co
L’entreprise de la famille Benny a débuté ses opérations dans les années 40 sous la forme d’une ferme d’élevage de poulets à griller (broiler chickens). Vingt ans plus tard, en 1960, les frères Benny lancent un premier restaurant de poulet rôti (Joliette BBQ). Jusqu’à la fin des années 1970 la famille Benny aura ouvert des restaurants dans plusieurs villes du Québec sous les enseignes Benny BBQ, Au Coq, Ti-Coq et Le Coq rôti. L’entreprise est aujourd’hui la troisième chaîne de rôtisserie québécoise en importance. Elle est surtout populaire dans le Sud et l’Ouest du Québec.
Rôtisseries Fusée
L’ouverture de Fusey B.B.Q. sur la rue du même nom a lieu à Cap-de-la-Madeleine en 1966 par Laurent Lavergne. Fusée constitue la quatrième chaîne de rôtisseries en importance et est, pour sa part, surtout populaire dans le Centre et l’Est du Québec.
Scores
Scores est la chaîne de rôtisserie québécoise la plus récente du lot, mais aussi celle qui jouit de la plus rapide expansion. Le premier établissement n’a ouvert qu’en 1995 et la bannière compte déjà plusieurs établissements à l’extérieur du Québec.
Le Coq rôti
La défunte chaîne Le Coq rôti, était la réponse de l’Est du Québec au mouvement culinaire gallinacé pan-québécois. Fondé en 1985 (voir cet article de The Gazette) à Québec, la chaîne comptait à son apogée, au début des années 1990, plusieurs établissements à Québec, Montréal, au Saguenay-Lac-Saint-Jean et au Nord-du-Québec. Au début de 2020, opérée par la famille libano-saguenayenne Abraham, également propriétaire du steakhouse Chez Georges, la chaîne n’était plus présente qu’à Alma, Chibougamau, Chicoutimi, Cowansville, Dolbeau et Roberval. À la fin 2020, on annonce que les restaurants restants ont été vendus au Groupe Normandin, chaîne de restaurants familiaux de la région de Québec (voir HRIMag).
Ailleurs au Canada
À l’image d’autres succès culinaires québécois ou canadiens-français tels que la poutine, le repas de poulet bar-b-q fait l’objet d’appropriation culturelle par la population canadienne-anglaise majoritaire qui n’hésite pas à le hisser au statut d’emblème national (voir ce communiqué de presse de 2013). Toutefois, le succès commercial de ce repas est limité dans les faits à une seule chaîne du genre en dehors du Québec.
Swiss Chalet
Créée en 1954 (voir leur site), Swiss Chalet a ouvert son premier restaurant sur la rue Bloor à Toronto. Son nom, son style et son offre culinaire sont très largement inspirés par le restaurant montréalais Chalet Bar-B-Q. En fait, la chaîne ontarienne, longtemps active des deux côtés de la rivière des Outaouais (avant l’an 2000, lors de la fermeture de tous les points de vente québécois), a été fondée par Maurice Mauran, également fondateur du restaurant montréalais de la rue Sherbrooke (voir « History of Toronto Swiss Chalet »).