Magret de canard poêlé, sauce aux fraises
Sommaire
La cuisine moderne
Vous avez sûrement vu sur la photo de de ma salade aux cailles qu’elle était dans la même assiette qu’un plat mystérieux n’est-ce pas? Et bien c’est cette recette que je vais vous donner aujourd’hui. J’avais fait du magret de canard poêlé avec une sauce aux fraises. Évidemment, c’est une recette de mon cru, alors on se passera d’une anecdote d’enfance. Cela dit, c’est mon mari, pendant qu’on prenait une marche dans notre quartier qui a suggéré que je fasse une sauce sucrée-salée avec des fraises fraîches. Les fraises sont en plein en saison en ce moment : elles viennent tout juste d’arriver dans les supermarchés. J’ai trouvé que c’était une très bonne idée alors c’est ce que j’ai fait.
Histoire de la recette
Comme je l’ai dis plus haut, il s’agit d’une recette de mon cru, pas une recette traditionnelle, alors évidemment il n’y a pas d’histoire à reconstituer. Cela dit, j’ai quand même fait un peu de recherche au sujet de ses éléments constitutifs, c’est à dire la consommation de canard au Québec ainsi que le goût pour les sauces sucrées-salées avec des fruits.
Le canard au Québec
Le premier élément de la recette, le canard, est consommé par nos ancêtres depuis les débuts de la colonisation française. Le canard sauvage étant très abondant, il constituait une source non-négligeable du garde-manger primitif avant l’établissement à long terme réussi de nos première fermes. En fait, il était si abondant, que les premiers trappeurs ne récoltaient que la partie la plus tendre, les magrets, afin de les manger et ils abandonnaient le reste de la carcasse afin d’attirer les mammifères carnivores à fourrure pour faire le commerce de leurs peaux (voir Michel Lambert, Histoire de la cuisine familiale du Québec, vol. 3, pt. 2, pp.939-955).
Le canard domestique a aussi été élevé dès les premiers balbutiements de la Nouvelle-France au XVIIe s. après l’établissement de la colonie de peuplement. Avec l’oie, il s’agissait de l’un des oiseaux que l’on mangeait le plus volontiers pendant les soupers festifs et les grandes occasions. Ceci avant la popularisation du dindon qui, lui, est arrivé chez nous avec les Loyalistes (voir op. cit., vol. 4, pp. 897-905).
Les sauces sucrées-salées aux fruits
Le second élément de la recette, la sauce aux fraises ou plutôt par extension l’accompagnement de certaines viandes au Québec par des sauces sucrées-salées ou aigre-douces comportant des fruits, témoigne quant à elle de la fusion de nos trois cuisines fondatrices: les cuisines autochtones, française et anglaise.
Quand nos ancêtres français sont arrivés en Amérique, il y avait déjà 100 ans au moins qu’il avaient commencé à abandonner la cuisine du Moyen-âge forte en épices, en sucre et en vinaigre. Il était donc inusité pour les Canadiens anciens de servir un plat de résistance en sauce à la fois salée, sucrée et vinaigrée. Ce sont des caractéristiques qui ont été réintroduites dans notre cuisine par les Anglais après la Conquête (voir Jean-Marie Francœur, Genèse de la cuisine québécoise : à travers ses grandes et petites histoires, p. 116).
Le sucré-salé quant à lui, ou plus précisément l’assaisonnement des viandes avec des petits fruits, est une caractéristique qui vient de la cuisine des peuples autochtones. En effet, les nations algonquiennes ajoutaient régulièrement des fruits séchés dans leurs préparations à base de gibiers et de poissons fumés tandis que les nations iroquoïennes se servaient des fruits pour rehausser le goûts de leurs plats mijotés (voir Michel Lambert, op. cit., vol. 1, pp. 167 et 212). Cela dit, l’influence de cette pratique dans la cuisine de nos ancêtres est restée limitée au service de la sauce aux canneberges avec le dindon. Elle a par contre été redécouverte dans le courant du XXe s. lors du renouveau culturel des années soixante et de nos jours, la cuisine québécoise contemporaine compte de nombreux plats de viande dont la sauce est aromatisée de fruits et d’érable (voir « Les accompagnements de sauces avec fruits » et « Les sauces aux fruits » sur Le Québec cuisine).
La recette
Magrets de canard poêlés, sauce aux fraises
Pour deux personnes - Préparation : 15 min. - Cuisson : 20 min.
Ingrédients
- 2 magrets de canard (1 par personnes);
- Sel, au goût;
- ½ c. à thé de grains de poivre rose, concassé;
- 10 fraises fraîches, en dés (env. ½ t.);
- 1 échalote ou ½ oignon, haché finement;
- 1 c. à soupe de vinaigre balsamique ou de vinaigre de vin rouge;
- ¼ t. de vin rouge;
- ½ t. de fond (bouillon corsé) de canard, de veau ou de poulet;
- 1 c. à soupe de sirop d’érable;
- 1 noix de beurre froid.
Préparation
- Environ 1h avant de les faire cuire, préparez les magrets de canard : sortez-les du frigo, et épongez-les bien avec du papier absorbant. Tournez-les côté peau et avec un couteau bien affûté, faites des incisions en damier sur la peau des magrets, faites attention de ne pas couper jusqu’à la chair. Tournez maintenant les magrets côté chair et assaisonnez-les généreusement de sel et de poivre rose. Laissez-les reposer dans une assiette.
- Pendant ce temps, coupez les fraises et l’échalote ou l’oignon.
- Prenez une grande poêle à frire et, à froid, déposez-y les magrets de canard côté peau sur le fond. Mettez la poêle sur le rond et chauffez à feu moyen vif. Vous verrez que la graisse sous la peau du canard commencera à fondre. La peau rendra beaucoup de gras. Videz ce gras dans un bol au fur et à mesure de la cuisson. Ne le laissez pas trop s’accumuler dans la poêle. Laissez les magrets cuire ainsi côté peau sans les toucher pendant 6 à 8 minutes ou jusqu’à ce que la graisse de canard soit en grande partie fondue et que la peau soit très dorée et très croustillante. Vous pouvez maintenant retourner les magrets et les faire cuire côté chair. Faite les cuire environ 5 à 6 minutes. Retirez les de la poêle et laissez-les reposer, côté peau sur le dessus, dans une assiette propre dans le four en mode réchaud pendant 5 à 10 minutes, le temps de faire la sauce.
- Dans la même poêle et sans l’avoir nettoyée, ajoutez 1 c. à thé de la graisse de canard réservée et faites y revenir l’échalote ou l’oignon et les fraises. Lorsque ceux-ci ont bien sué, déglacez la poêle avec le vinaigre et le vin rouge. Grattez bien le fond de la poêle pour détacher les sucs de viandes. Laissez réduire presque à sec et ajoutez le fond ou le bouillon et faites mijoter. Laisse la sauce réduire un peu et goûtez-y. Rectifiez l’assaisonnement et ajoutez-y le sirop d’érable selon votre goût. Lorsque la sauce a une consistance sirupeuse, ajoutez-y la noix de beurre hors du feu et mélangez bien la sauce pour l’émulsionner.
- Sortez les magrets du four et toujours côté peau sur le dessus, tranchez-les très mince. Le magret se mange « cuit à point », c’est-à-dire, médium-saignant. N’ayez pas peur, le canard ne risque pas de contenir de S. enterica, S. bongori ou d’E. coli comme le poulet. Placez les magrets tranchez dans la sauce quelques secondes, toujours côté peau sur le dessus, question de les réchauffer un peu.
- Servez les magrets dans de grandes assiettes chaudes avec leur sauce et accompagnés de salade aux cailles, de pommes-allumettes, de riz ou de votre légume d’accompagnement préféré.
Notes
Je précise de toujours garder la peau sur le dessus après la cuisson afin que celle-ci garde son beau croustillant.
Cette recette vous donnera au moins ⅓ de t. de graisse de canard fondu, dépendamment de la taille des magrets. Gardez-la au frigo dans un plat hermétique. Elle se garde longtemps. Vous pouvez vous en servir pour faire cuire des pommes de terre ou d’autres légumes à la poêle à frire ou comme graisse de cuisson pour un sauté. Elle donnera une très bonne saveur à vos plats.
Vous pouvez remplacer les fraises par n’importe quel fruit de saison. Le canard est tout aussi délicieux avec des mûres ou des bleuets que vous laisserez entiers dans la sauce.
Si vous n’aimez pas le canard, vous pouvez faire un plat similaire avec des suprême de poulet.