Ragoût de boeuf de cinq heures
Sommaire
Classique de l’enfance de John
En règle générale, contrairement à moi, John a très peu de souvenirs d’enfance reliés à la nourriture. Il existe cependant une exception et c’est la recette dont je vais vous parler aujourd’hui : le ragoût de bœuf de cinq heures de sa mère Mary (mieux connu sous le nom de five-hour beef stew). C’était son plat préféré quand il était enfant. Il se souvient de sa mère amenant le ragoût du four à la table, alors qu’il y était assis. Il s’agissait d’un moment particulièrement rempli de suspens, car ma belle-mère préparait toujours ce plat dans une rôtissoire jetable en aluminium plutôt instable et chambranlante. Le ragoût se rendra-t-il jusqu’à la table? Ce n’était jamais chose certaine! Heureusement, l’accident si souvent appréhendé ne s’est jamais produit.
Cette recette, Mary l’a trouvée dans un livre communautaire qu’elle a reçu en cadeau lors de son shower de mariage en 1978. Ce livre, publié par l’église luthérienne Grace Lutheran Church de Mankato, a été offert à Mary par une bonne amie de sa grand-mère Bonnie (donc l’arrière-grand-mère de John), Edie. C’est donc une recette qui vient directement du trousseau de ma belle-mère. Selon John, cette femme, Edie, une amie de Bonnie de très longue date et elle était de toute les réceptions familiales. Edie était la gardienne de Bonnie et elles ont gardé contact toute leur vie. Elle laissait même Mary utiliser son espace de stationnement tous les jours pour aller à l’université. Edie est morte à l’âge vénérable de 102 ans, 40 ans après avoir survécu à un cancer du sein.
Quoiqu’il en soit, avec l’hiver qui s’éternise, voici une recette idéale pour les jours de télétravail de la semaine ou les fins de semaines occupées, mais où vous voulez quand même avoir un repas réconfortant sans trop y mettre d’effort.
Histoire de la recette
De toute évidence, cette recette a plusieurs influences. Par sa méthode de préparation, elle a des airs des fameux hotdish si populaires du Minnesota (voir p. ex. mes recettes de gratin de riz sauvage au poulet et de tater tot hot dish). Il suffit de placer tous les ingrédients dans une cocotte, on met le tout au four et voilà! Cinq heures après, on a un repas chaud. Cela dit, le plat en lui-même est clairement une variante du ragoût irlandais (stobhach Gaelach), que l’on retrouve sous une forme ou l’autre partout aux États-Unis et au Canada : des cubes de bœuf (de mouton pour la recette irlandaise d’origine) et des légumes d’hiver (carottes, pommes de terre, etc.) mijotés longuement dans une sauce brune, riche, aromatique et savoureuse.
Les ragoûts font partie de la cuisine occidentale depuis l’époque pré-romaine et constituent, avec les soupes, la première forme de plats cuisinés de l’histoire de l’humanité. La plus ancienne trace de plat mijoté remonte à l’ère Jômon au Japon (13 000-400 av. J.-C.), exactement pendant la transition entre le paléolithique et le néolithique. Pour revenir aux peuples celtes, ils ne connaissaient pas l’usage du four et ne rôtissaient pas la viande. Ils préparaient tout au chaudron. Cette méthode de préparation est donc présente depuis longtemps sur les îles britanniques et a évidemment traversé l’Atlantique avec les vagues de migration post-colombiennes y compris au Québec, où l’influence culturelle irlandaise est très palpable non seulement dans notre musique folklorique, mais aussi dans notre cuisine. Avec l’industrialisation et l’esprit de simplicité du midwest américain la recette a été modernisée peu à peu pour donner le plat d’aujourd’hui.
Une recherche rapide permet de découvrir que cette version du ragoût américain semble née vers le milieu des années 1970. On retrouve une recette très similaire en 1980 dans la revue Zarja publiée par l’Union des femmes slovènes d’Amérique. Cette méthode de préparation ressemble étrangement à une recette créée pour la mijoteuse dont la marque la plus connue, Crock-Pot, est arrivée sur le marché en 1971. C’est peut-être un hasard, mais c’est quand même intéressant. Ce n’est sûrement pas un détail anodin.
La recette
Five-hour Beef Stew
Pour 8-10 personnes - Préparation : 10 min. - Cuisson : 5 h
Ingrédients
- 1 kg (2,2 lbs) de bœuf à ragoût en cubes de 2,5 cm (1”) ;
- 2 t. de jus de légumes (style V8) ou de jus de tomate ;
- 1 t. d’eau ;
- 2 c. à soupe de sauce Worcestershire ;
- 1½ c. à thé de sel ;
- 2-3 grosses carottes, coupées en tronçons ;
- 2-3 grosses pommes de terre, coupées en cubes ;
- 1 grosse branche de céleri, coupée en tronçons ;
- 1 oignon, coupé en dés ;
- 2 c. à soupe de tapioca (minute) ;
- Poivre noir moulu, au goût.
Préparation
- Placez tous les ingrédients dans une cocotte de 4,5 ℓ ou un plat de cuisson profond allant au four, couvrez et faites cuire dans un four préchauffé à 275°F (135°C) pendant 5 h.
- À mi-cuisson, retirez le couvercle, brassez le ragoût et laissez-le terminer la cuisson à découvert.
- Servez chaud, avec du pain chaud et du beurre.
Notes
La dernière fois que Mary était en visite et la première fois que nous avons fait cette recette ensemble, en octobre dernier, nous avons ajouté ½ barquette (114 g) de champignons café (cremini) coupés en 4 et puis quelques brins de persil haché. À cet effet, vous pouvez ajouter au ragoût les légumes et les assaisonnements qui vous plaisent.
En ce qui concerne le tapioca, je n’avais pas de perles (pour le pudding), mais j’avais de la fécule de tapioca et nous en avons mis la même quantité. Vous pourriez la remplacer par la même quantité de fécule de maïs. Veillez à bien la mélanger avec le liquide afin d’éviter les grumeaux.
En ce qui concerne la viande, il est très pratique d’acheter le bœuf à ragoût déjà coupé, mais c’est beaucoup plus économique d’acheter un rôti de palette ou des jarrets et de les couper soi-même. Vous n’êtes pas non plus obligés d’utiliser du bœuf : si le veau est en spécial, lâchez-vous lousse! Une épaule de porc serait aussi un très bon choix et c’est encore moins cher que la palette de bœuf.
Vous n’êtes pas obligés de découvrir la cocotte à la mi-cuisson, mais je vous le conseille fortement. Il se créera comme une croûte sur le dessus qui amènera le même genre de saveurs que si vous aviez fait saisir et caraméliser les cubes de viande.