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Sommaire

Victime d’incompréhension

Ce que l’on appelle en français la sauce bolognaise ou ragù alla bolognese est l’exemple parfait, s’il en est un, de la confusion qui règne à l’extérieur de l’Italie en ce qui concerne sa cuisine. Partout dans le monde, on mange du spaghetti sauce bolognaise tout en étant convaincu qu’il s’agit du plat italien par excellence. Pourtant, personne en Italie — et encore moins à Bologne — n’aurait idée de commettre tel sacrilège!

D’abord, dans la région de Bologne, cette sauce n’est servie que sur des pâtes larges aux oeufs (des tagliatelles ou des lasagnes), qu’elle doit être mélangée aux pâtes avant le service plutôt que d’être servie dessus et qu’elle ne contient que très peu de tomates et d’épices ou fines herbes. En fait, même son nom français est incorrect. « Bolognaise » est une hypercorrection, c’est un adjectif qui n’existe pas. On devrait dire plutôt : sauce bolonaise.

Sans plus tarder, voici donc l’ancêtre de ce que l’on appelle au Québec la « sauce à spaghettis », ma deuxième recette en l’honneur de la libération de l’Italie, et de quoi accompagner les pâtes fraîches que je vous ai appris à faire il y a quelques jours. Mais d’abord : son histoire.

Histoire de la recette

Le ragù bolognese a des origines plutôt nébuleuses et une histoire relativement compliquée. En comparaison d’autres plats italien, il est d’origine relativement récente. Selon plusieurs, cette sauce emblématique partagerait les mêmes origines que le ragoût français : un mélange de trucs épars en petits morceaux et mijotés ensemble.

Les premières mention du plat dans la littérature remontent au XVIIIe sous le simple nom ragù, mais il n’y a pas encore de recette définitive. Il faudra attendre 1891 pour voir la première recette codifiée de maccheroni alla bolognese publiée par l’écrivain Pellegrino Artusi. C’est aussi une recette qui s’est fixée définitivement encore plus récemment. Jusqu’au début du XXe s. elle ne contenait aucune tomate. Aujourd’hui on nomme plutôt cette autre recette le ragù bianco (« ragoût blanc »).

Quoiqu’il en soit, au risque de déplaire à l’Accademia Italiana della Cucina — qui définit le ragù comme un assemblage de « boeuf, pancetta, oignon, carotte, céleri, passata, vin rouge, lait ou crème, huile d’olive, sel et poivre » — il n’existe bien sûr pas qu’une seule recette de ragù et je n’aurais pas la prétention de vous dire que c’est la mienne. Certains utilisent du porc ou du veau, d’autres du lapin ou du gibier, dans certains familles il est d’usage d’ajouter des abats de volaille et il n’est même pas clair s’il faut ou non mettre du lait ou de la crème.

La recette

Ragù alla bolognese

Pour 4 à 5 personnes - Préparation : 2 h - Cuisson : 2 h

Ingrédients

  • 1-2 oignon, émincé;
  • 1-2 carottes, en brunoise;
  • 1-2 branches de céleri, en brunoise;
  • 2 gousses d’ail, écrasées;
  • ¼ lb. de lard ou de pancetta, en dés;
  • 3 c. à soupe d’huile d’olive ou de beurre;
  • 1-2 feuilles de laurier;
  • 4 clous de girofle (1 pincée, si moulus);
  • 1 pincée de muscade moulue;
  • 1 pincée de poivre de Jamaïque (toute-épice), moulu;
  • 1 lb. boeuf, porc ou veau haché;
  • 1 petite boîte ou 1 tube (6 oz.) de pâte de tomates;
  • 1 t. de vin rouge sec;
  • 2-3 t. de bouillon de bœuf ou de porc;
  • Sel et poivre;
  • ½ t. de lait;
  • 1 c. à soupe de beurre.

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Préparation

  1. Coupez tous les légumes (soffrito) et la pancetta ou le lard.
  2. Faites chauffer l’huile d’olive ou le beurre dans une grande marmite à feu moyen-doux et faites-y dorer la pancetta ou le lard, jusqu’à qu’il ait rendu son gras et soit croustillant. Dans cette graisse, faites suer le soffrito doucement environ 20 minutes, en brassant 2 ou 3 fois, jusqu’à ce que les oignons soient translucides, que les autres légumes soient tendres et que leur eau de végétation se soit évaporée. Ajoutez le laurier, le clou, la muscade et le piment de Jamaïque.
  3. Augmentez le feu à moyen-élevé, ajoutez la viande hachée et les épices et faites le saisir environ 5 minutes jusqu’à brunissement avant de le défaire. Incorporez la pâte de tomate et laissez revenir jusqu’à ce que le tout commence à caraméliser et coller un peu au fond de la marmite.
  4. Déglacez avec le vin et laissez cuire jusqu’à évaporation complète (5-10 minutes). Ajoutez le bouillon, puis portez à ébullition. Baissez le feu à très doux et laissez mijoter environ 2-3 h en brassant de temps en temps.
  5. Quand le ragù aura épaissi, que les saveurs se seront amalgamées et que sa couleur se sera intensifiée, ajoutez le lait et laissez mijoter encore 5 minutes. Rectifiez l’assaisonnement. La recette traditionnelle veut que l’on incorpore au ragoût une cuillère de beurre, mais c’est facultatif. Servez avec des tagliatelles fraîches.
  6. Pour servir : portez une grande quantité d’eau à vive ébullition dans une grande marmite, ajoutez une grosse pincée de sel, jetez-y les pâtes et faites-les cuire 2-3 minutes (pour des pâtes fraîches) ou selon les instruction du fabricant pour des pâtes du commerce. Égouttez-les et mélangez-les immédiatement à du beurre, du parmigiano reggiano râpé et une quantité suffisante de ragù pour assaisonner les pâtes. Versez les pâtes dans un grand plat de service avec le reste du ragù et du parmigiano reggiano fraîchement râpé additionnel. Les convives pourront ajuster eux-mêmes la quantité de sauce et de fromage dans leur assiette.

Notes

Vous pouvez faire mijoter la sauce plus longtemps si vous voulez, surtout si sa texture est trop liquide. Vous pouvez aussi la préparer en grande quantité et la mettre en pots ou la congeler. Il existe plusieurs écoles de pensée concernant l’ajout de lait dans la sauce bolognaise.

Certains puristes sont d’avis qu’il ne faut jamais en mettre alors que certains autres sont d’avis qu’il faut plutôt le remplacer par de la crème. Toutefois la pratique la plus courante à Bologne et dans le reste de l’Italie reste d’ajouter un peu de lait. Vous pouvez l’omettre complètement et le remplacer par un peu d’eau cuisson des pâtes lors de l’assemblage du plat final.

La sauce bolognaise est une sauce très épaisse et très consistante. C’est aussi une sauce très huileuse. Il ne faut cependant pas couper le gras, l’idée est de presque faire confire les légumes et les viande dans l’huile d’olive et le lard. Ce gras d’une belle couleur orange est le véhicule de toute la saveur du ragù et enrobe les pâtes. De plus, comme elle cuit très longtemps, sa saveur est très concentrée et il en faut donc très peu pour donner beaucoup de goût à une grande quantité de pâtes. En Italie, on préfère d’ailleurs que les tagliatelle al ragù aient une texture sèche plutôt que de les noyer de sauce.

Pour un taux de cholestérol plus bas, il est quand même possible de faire cette recette. Remplacez seulement la viande rouge par du poulet ou de la dinde hachée, le bouillon de bœuf ou de porc par du bouillon de poulet et omettez la pancetta ou le lard, mais augmentez l’huile d’olive à 1/3 t.

Le ragù bolognese se sert presque uniquement avec des pâtes aux œufs larges, fraîches. On ne le sert jamais avec des pâtes minces, sèches, à la semoule. Il ne contient pas non plus de tomates fraîches ou en boîtes : elle doit contenir de la passata (tomates broyées) ou de la pâte de tomates. La confusion vient du ragù napoletano ou ragù alla napoletana, sauce similaire mais très tomatée dans laquelle on a fait braiser des morceaux de viande entiers (comme bouts de côtes et jarrets de boeuf ou de porc, mais aussi des paupiettes ou des boulettes pour les grandes occasions). Cette sauce-là est servie en entrée avec des spaghettis ou des rigatonis et la viande est servie en plat de résistance, selon la tradition culinaire de la région de Naples.

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Bon appétit!