PXL_20201029_215857997.PORTRAIT.jpg

Sommaire

C’est la Saint-Valentin!

Aujourd’hui, je vous propose de cuisiner quelque chose de rouge comme l’amour pour servir à votre date de Saint-Valentin. Quelque chose de simple et d’impressionnant à la fois, en plus d’être tout à fait délicieux. Qui plus est, c’est végétarien! En fait, je vous ai promis cette recette il y a longtemps, lorsque j’ai fait du bouillon de légumes trop salé que j’ai dû passer dans de la crème de champignons.

Il s’agit d’une recette italienne : le risotto al telefono rosso ou en français « risotto au téléphone rouge ». N’ayez crainte! Elle ne contient pas de morceaux d’iPhone, ni d’ingrédients bizarres. En conséquence, si votre première date de Saint-Valentin d’il y a quelques années s’est avérée fructueuse, ce sera également un succès assuré auprès de vos enfants. Après l’avoir cuisinée, en bonus, vous saurez désormais comment préparer un risotto et vous pourrez utiliser la même technique en variant les ingrédients!

Le risotto compte parmi mes plats préférés. J’en fais régulièrement. C’est très passe-partout tout en étant relativement gastronomique. Votre date de Saint-Valentin ne se doutera jamais à quel point c’était facile à faire. Comme c’est un plat qui doit tout de même être chouchouté tout le long de sa préparation, il s’agit d’une manière parfaite d’exprimer l’amour que vous ressentez pour votre douce moitié. Comme il est versatile, vous pouvez le préparer tant en plat principal qu’en plat d’accompagnement. Si vous choisissez la seconde option, le riz sera prêt le temps de faire rôtir deux cuisses ou deux suprêmes de poulet au four simplement assaisonnés d’huile d’olive et d’herbes.

Les bases du risotto

Avant de s’attaquer à son histoire et à la recette elle-même, voyons d’abord quelques principes de bases du risotto.

Le riz

Le risotto est toujours préparé avec des variétés italiennes de riz à grains courts (Oryza sativa japonica). Les variétés de riz à risotto les plus courantes au supermarché sont l’Arborio et le Carnaroli, mais vous trouverez peut-être aussi du Vialone Nano. Sans aller en détail dans les caractéristiques propres à chacune de ces variétés, sachez qu’il y en existe plusieurs autres, mais que vous pouvez utiliser n’importe laquelle que vous trouverez le plus facilement. En cas de force majeure, vous pouvez utiliser du riz à grains courts japonais (le fameux riz à sushi, tels que le Kokuho Rose ou le Nishiki qui sont les marques les plus courantes), je le fais parfois quand je n’ai pas de riz italien et que ça ne me tente pas d’aller en acheter. Vous ne pouvez pas utiliser de riz à grains longs (comme le riz chinois, le riz au jasmin ou le basmati), puisque ceux-ci ne sont pas assez denses pour résister à une cuisson prolongée. Car au terme de la cuisson, les grains de riz doivent, tout en restant individuels, être liés ensemble d’une sauce crémeuse et rester al dente ou croquant en leur cœur.

La tostatura ou nacrage

Avant de débuter le mouillement, à la manière d’un pilaf, le riz pour le risotto doit d’abord être frit brièvement dans un corps gras jusqu’à ce qu’il soit complètement enrobé et perde son opacité, comme une perle. Cette étape s’appelle en italien la tostatura ou plus poétiquement en français le nacrage. Elle sert à consolider l’amidon externe du grain de riz pour qu’il se dissolve plus lentement en cours de cuisson.

Le déglaçage

Le risotto est un plat relativement riche. Le déglaçage au vin immédiatement après le nacrage sert à équilibrer les saveurs et à complexifier l’arôme du plat fini. Anecdotiquement (et c’est peut-être un mythe, je ne sais pas), il servirait aussi à ralentir la cuisson du riz pour qu’il conserve sa fermeté au cœur du grain, de la même façon que des légumes cuits dans du vin prennent plus longtemps à cuire que dans de l’eau ou du bouillon. On peut également déglacer à la bière, pratique courante dans le Trentin et le Tyrol du Sud.

Le mouillement

Le risotto est mijoté lentement par des mouillements constants et en petite quantité tout en remuant le plat sans arrêt. Hormis le déglaçage initial, le liquide de mouillement doit être maintenu au point de frémissement tout au long de la cuisson du riz. Vous devez donc chauffer ce dernier dans une casserole séparée avant de commencer votre risotto. Pour cuire de façon optimale dans les 18 min. canoniques, le riz doit rester à température constante d’ébullition sans fluctuation trop importante. Vous pouvez utiliser le liquide qui vous convient et l’adapter en fonction de la saveur que vous voulez donner à votre risotto. Versez une louche de bouillon à la fois et attendez que la louche précédente ait été absorbée par le riz avant d’en rajouter.

All’onda

Le terme italien all’onda (littéralement « à la vague ») est le qualificatif technique de la consistance (viscosité) finale idéale du risotto. Vous saurez que vous l’aurez atteinte lorsqu’en brassant le risotto, les sillons de la cuillère au fond de la casserole seront effacés par le riz qui se refermera sur eux comme une vague efface les traces de pas sur la plage. Atteindre ce point prend généralement 18 min.

La mantecatura ou le montage (émulsion)

L’étape finale de la préparation d’un risotto est la mantecatura (littéralement « crémage ») ou montage au beurre et au parmesan. Dès que le risotto a atteint la texture idéale, on y adjoint une noix de beurre froid et une poignée de parmesan râpé que l’on incorpore en faisant sauter la mixture de quelques coups de poignet pour qu’elle se retourne sur elle-même. C’est le même principe et la même technique qu’une sauce montée au beurre en cuisine française. Le tout vise à créer une émulsion et à rendre encore plus onctueux le plat fini.

Il s’agit de pas mal tout ce que je sais en termes techniques sur la préparation du risotto. Voyons maintenant l’histoire de la recette.

Histoire de la recette

Le risotto a une histoire plutôt nébuleuse. Tout ce que l’on sait, c’est que le riz est cultivé en Italie depuis le XIVe s. Il y aurait été introduit soit par les Croisés revenant du Moyen-Orient et qui auraient commencé son importation, soit par les Arabes après leur conquête musulmane de la Sicile.

Mystérieusement, la première mention d’un plat identifiable au risotto dans la littérature remonterait seulement à 1809. Nul ne sait ce qui s’est passé entre les deux dates. Cela dit, la préparation de gruaux de céréales diverses est une technique italienne plusieurs fois centenaire remontant au moins à la Rome antique et qui formait la base de l’alimentation des classes paysannes. On reconnaît bien là des traits familiaux entre le risotto et la polenta ainsi que son plus lointain ancêtre qui était préparé avec de la semoule de blé, d’épeautre ou de seigle : les trois sont grosso modo des plats de céréales bouillies enrichis de beurre et de fromage. La seule différence étant que le risotto semble en constituer une version exaltée à base d’une céréale jadis chère et exotique. Ce n’est toutefois qu’une hypothèse.

On sait aussi que le risotto aurait donc vu le jour en Lombardie, à Milan plus précisément. Il se serait diffusé par la suite partout au Nord de l’Italie sans qu’il soit clair comment. Il pourrait être l’adaptation par un cuisinier de famille princière d’un plat de la cuisine paysanne. Il pourrait aussi être l’interprétation salée d’un plat arabe ou turc à l’origine sucré introduit dans la péninsule italique au gré du commerce génois ou vénitien avec l’Empire ottoman.

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui dans le repas classique italien, le risotto est un primo piatto (littéralement « premier plat »), c’est-à-dire une entrée chaude, généralement servie après les antipasti et avant le secondo piatto (plat principal).

Comme vous voyez, il y a beaucoup de questions, mais très peu de réponses. C’est pourquoi on va tout de suite passer à la recette avant de se donner mal à la tête!

PXL_20201029_212343866.jpg

La recette

Risotto al telefono rosso

Pour 4 personnes - Préparation : 10min. - Cuisson : 25 min.

Ingrédients

  • 6 t. (1,5 l) de bouillon de légumes ;
  • 1 oignon, haché ;
  • 1 gousse d’ail, hachée ;
  • 1 c. à soupe d’huile d’olive ou de beurre ;
  • 1½ t. (320 g) de riz à grains courts italien (Arborio, Carnaroli, etc.) ;
  • 1 petit verre de vin blanc sec ou rouge pas trop puissant ;
  • ¾ t. (200 g) de tomates broyées en boîte (passata) ;
  • 1 branche de marjolaine fraîche, ciselée ;
  • 250 g de mozzarella di bufala fraîche en morceaux OU 125 g de mozzarella sèche (à pizza), râpée ;
  • Sel et poivre du moulin, au goût.

Préparation

  1. Portez le bouillon de légumes à faible ébullition dans une casserole.
  2. Pendant ce temps, hachez l’oignon, l’ail et la marjolaine, défaites la mozzarella fraîche en morceaux ou râpez la mozzarella à pizza.
  3. À feu moyen-vif, faites chauffer le beurre ou l’huile d’olive dans une sauteuse ou une poêle profonde. Faites-y revenir l’oignon et l’ail avec une pincée de sel, jusqu’à ce que l’oignon soit transparent. Faites nacrer le riz. Déglacez avec le vin. Lorsque celui-ci est presque entièrement évaporé, versez les tomates broyées.
  4. Lorsque le mélange bout, commencez le mouillement avec le bouillon. À partir de maintenant, il est crucial que le risotto soit l’objet exclusif de votre attention, jusqu’au service. Ajoutez une première louche de bouillon au riz. Faites cuire en brassant constamment à la cuillère de bois, jusqu’à ce que presque tout le bouillon ait été absorbé. Ajoutez une deuxième louche de bouillon tout en continuant de brasser le riz jusqu’à absorption du bouillon. Continuez ainsi pendant environ 18 min., ou que le riz soit cuit al dente et qu’il ait atteint la texture all’onda. C’est normal s’il reste une ou deux louches de bouillon. Retirez du feu.
  5. Hors du feu, ajoutez la mozzarella et la marjolaine, puis poivrez. Remuez doucement jusqu’à ce que toute la mozzarella soit fondue et bien filante. Rectifiez l’assaisonnement. Servez dans des assiettes creuses chaudes.

Notes

Vous voyez que dans cette recette-ci, au lieu de monter au beurre et au parmesan à la fin, tel qu’expliqué en intro, on monte à la mozzarella. En fait, parlant de mozzarella, j’ai oublié de vous dire pourquoi cette recette s’appelle risotto au téléphone. C’est qu’à cause de la mozzarella fondue, chaque bouchée est tellement filante de l’assiette à la bouche que c’est comme le fil torsadé du combiné d’un téléphone! Vous pouvez préparer un risotto al telefono bianco en omettant les tomates broyées. Il est courant d’ajouter des petits pois et des cubes de jambon dans cette recette-là. Enfin, si vous utilisez de la marjolaine séchée, vous pouvez l’ajouter au début du mouillement.

Bon appétit et bonne Saint-Valentin!