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Sommaire

La libération de l’Italie

La dernière recette que j’ai publiée — un peu à la blague d’ailleurs — m’a donné plusieurs idées. Je ne vous ai même pas donné la recette québécoise classique de sauce à spaghettis! En faisant de la recherche après un petit brainstorming avec mon chat Praline j’ai, entre autres, réalisé que l’Italie fêtera ce 25 avril sa libération du régime fasciste de Benito Mussolini. C’est très à propos pour ce qui s’en vient.

Quelle belle occasion de vous faire découvrir la communauté italo-québécoise! C’est une communauté culturellement et historiquement très importante, qui a eu un très grand impact non seulement sur le Québec, mais partout ailleurs en Amérique du Nord. Je vais donc profiter de cette semaine pour faire une série de publications afin souligner la libération de l’Italie et vous faire connaître qui sont les Italiens du Québec ainsi que ce qu’ils ont amené à notre cuisine. Par conséquent, j’aborderai l’histoire de la communauté italienne dans ce billet-ci, dans le prochain je parlerai des pâtes, ce qui m’amènera à parler de la sauce bolognaise et enfin, de son rejeton québécois : ce qu’on appelle aujourd’hui la sauce à spaghetti!

Histoire de la communauté italienne au Québec

Contrairement à la plupart des vagues migratoires post-coloniales, la présence italienne en Amérique du Nord est extrêmement ancienne. Elle est antérieur de presque un siècle et demi aux présences anglaise et française et de près d’un demi siècle à la présence espagnole. Christophe Colomb (de son vrai nom Cristoforo Colombo) et Jean Cabot (de son vrai nom Giovanni Cabotto) à qui l’on doit la découverte européenne du Nouveau Monde étaient en fait deux ressortissants Génois.

Au Québec, plus particulièrement, la toute première présence italienne remonte à 1665, avec le régiment de Carignan-Sallière qui comptait quelques cisalpins, mais cette présence n’était pas permanente. On n’a pas de preuve qu’ils se soient installés ici pour de bon après leur service militaire. Il y a eu aussi quelques soldats originaires de la Botte dans l’armée britannique, mais là non plus, pas d’établissement permanent laissant des traces observables.

Comme avec toutes les autres vagues de migration, il faudra attendre le milieu du XIXe s. pour que les Italiens s’installent ici en nombre suffisant pour former une communauté cohérente. On ne sait pas quand exactement le premier immigrant italien moderne est arrivé en sol Québécois, mais on sait par contre que déjà en 1867, la première manufacture de pâtes alimentaires au pays est fondée à Montréal par Carlo Onorato Catelli, débarqué l’année précédente. Qui ne connaît pas les pâtes Catelli et leur emblématique boîte bleue avec son logo aux rayons jaune, orange et rouge? C’est donc autour de cette période que l’immigration italienne s’établie ici de façon massive. Cela coïncide pile avec le Risorgimento, ou l’unification italienne ayant débuté en 1848. On sait que cette période a été catastrophique pour l’économie du Sud de la péninsule — qui formait le Royaume des Deux-Siciles avant d’être annexé par la force au Royaume d’Italie — et que c’est pour cette raison que la majorité des Italiens de la diaspora vient souvent des régions comme la Calabre, les Pouilles et la Sicile.

Les Italiens du Québec arrivaient ici avec l’espoir d’une vie meilleure, mais ils ont très vite dû déchanter. Leur histoire en est une difficile. Ils ont d’abord été engagés, ou plutôt exploités, comme main d’oeuvre bon marché dans les mines, les manufactures et les chantiers. Ils ont vécu souvent entassés les uns sur les autres dans de petits logements, dans des conditions insalubres. Ils ont aussi été forcés d’aller dans les écoles catholiques de langue anglaise. Le clergé québécois, gérant nos écoles, leur refusait l’accès aux écoles catholiques de langue française pour ne pas diluer ce qu’on appelait à l’époque « la pureté de la race canadienne-française ». Et pour couronner le tout, durant la Seconde guerre mondiale, ils ont été emprisonnés par le gouvernement fédéral, car ils étaient considérés comme des ennemis étrangers. Ils ont donc dû faire face à beaucoup d’animosité de la part de leur société d’accueil et ce, sans même qu’on ait besoin de parler de la crise linguistique des années 1970, qui elle a davantage marqué les esprits de la population francophone.

Cela dit, ayant la même religion que ceux qu’on appelait à l’époque les Canadiens-français ainsi qu’une classe économique relativement semblable, les deux groupes vivent plus souvent qu’autrement en relative proximité, partageant certaines de leurs misères. Le moment auquel ils arrivent massivement dans les quartiers populaires de Montréal coïncide également à un moment où commence un exode de nos régions rurales vers la métropole. Les dés sont jetés pour qu’une grande influence culturelle s’exerce et qu’une grande diffusion de leur culture à travers le Québec tout entier ait lieu. De ce fait, la communauté italienne est historiquement celle ayant le plus influencé culturellement la société québécoise et ayant laissé le plus de traces durables après les Anglais et les Irlandais.

L’influence italienne sur la cuisine québécoise

Comme je viens de l’expliquer, les Italiens sont le groupe migratoire post-colonial ayant eu le plus d’influence à ce jour sur la culture québécoise.

Cette influence s’étend bien entendu sur notre cuisine. Plus souvent qu’autrement, les plats européens les plus anciens de la cuisine québécoise qui ne sont ni français, ni britanniques sont italiens. On n’a qu’à penser à toutes nos versions régionales des pâtes aux tomates et au lard salé ou au bacon qui sont des descendantes directes des spaghetti all’amatriciana ou encore aux côtelettes de porc à la sauce tomate, sorte d’arrière-petit-fils du ragù napoletano n’ayant pas eu trop de chance dans la vie.

Les Italiens, du moins à Montréal, ont également initié les Québécois très tôt à leur façon de consommer le café. Étant d’origine française, nous consommions déjà ce breuvage depuis 300 ans à leur arrivée. Nous avions conséquemment des prédispositions culturelles à l’aimer, contrairement au reste de l’Amérique anglo-saxonne qui a historiquement toujours préféré le thé, même si c’est moins vrai aujourd’hui. C’est pourquoi le Québec comptait beaucoup de chaînes de cafés espresso (Café Dépôt, Brûleries St-Denis, Van Houtte, Morgane, etc.), bien avant l’arrivée des Dunkin Donuts et autres Tim Hortons et que Starbuck’s a eu beaucoup de mal s’implanter chez nous.

J’ai déjà dit aussi que la plupart des immigrants italiens sont originaires de la moitié Sud de l’Italie actuelle. C’est pour cette raison que la cuisine que l’on qualifie d’italienne en Amérique du Nord est en général très forte sur la tomate, l’ail, le piment, et les pâtes sèches à la semoule de blé. À la différence des cuisines du Nord de l’Italie — régions historiquement beaucoup plus prospères — plus fortes sur la viande et les pâtes fraîches aux œufs, la cuisine napolitano-sicilienne est une cuisine rassasiante et très peu onéreuse. Transplantée en Amérique, ses points focaux sont donc devenus les plats en sauce tomate et la pizza, faciles à reproduire avec peu de moyens. C’est une cuisine que les Québécois urbains de la classe ouvrière ont donc pu s’approprier rapidement.

Aujourd’hui

La grande proportion des Québécois d’origine italienne d’aujourd’hui en sont en fait à leur quatrième ou cinquième génération sur ce continent. L’animosité qui régnait à leur égard dans les années 1950-1960 est loin derrière (malgré certaines tensions ponctuelles en regard à la langue d’usage public au Québec) et selon Statistiques Canada, leur profil socio-économique et linguistique tend de plus en plus vers celui du Québécois moyen. Le Québécois moyen, quant à lui, apprécie la cuisine classique italienne — tant du Nord que du Sud — se fait rapporter ses nouvelles quotidiennes par Davide Gentile ou Jean-Philippe Cipriani, se diverti en regardant des films mettant en vedette Marina Orsini, Tony Conte et Mathieu Baron ou en écoutant la musique de Marco Calliari, Nicola Ciccone ou Adamo Marinaci, le tout en préparant les recettes de José Di Stasio et Stefano Faita.

Pour en savoir plus sur les Québécois d’origine italienne

À venir

Restez donc à l’affût des recettes suivantes, que je publierai d’ici la fête de la libération de l’Italie ce vendredi: